Le coup d’état de PÉtain du 17 juin 1940

Le message radiophonique du 17 juin 1940 du Maréchal Pétain peut être assimilé à un coup d’état. En plus d’être un coup de poignard dans le dos de l’armée, il assassine la République, et consacre aux yeux des Français et du monde que le vieux maréchal est le nouveau chef d’un pays au bord de la disparition.

La construction politique et stratégique de Pétain durant les années 1930

Franco et Pétain

Le personnage de Pétain pose problème à étudier parce que l’image du général de 14-18 est toujours présente et pollue l’analyse. Le Pétain de 1940 n’a pourtant plus rien à voir avec celui de 1918. En 1918 Pétain est un militaire, alors qu’à partir des années 30 Pétain est un politique, présent au gouvernement en tant que ministre puis ambassadeur. Il faut accepter ce fait pour comprendre : Pétain le politicien agit comme un politicien.
Lorsqu’il est ambassadeur à Madrid Pétain est impressionné par Franco, pour 2 raisons : la première est qu’il voit en temps réel comment un militaire s’empare du pouvoir face à une république désunie. La seconde est qu’il est témoin là aussi direct de la stratégie d’élimination des opposants menée par Franco. Celle-ci est présentée comme la réaction aux exactions de groupuscules anarchistes en 1936, et cet élément est fondamental.

En Espagne Pétain comprend 2 choses, la première est qu’il peut prendre le pouvoir en France, la seconde est que pour y arriver il aura besoin de provoquer un choc violent, puis de se présenter en pompier alors qu’il est le pyromane.

Mai 1940, l’heure de Pétain arrive

Reynaud entouré de ceux qui le feront tomber

On présente souvent Pétain comme un vieillard manipulé, mais c’est totalement faux. Il avait toute sa tête, jusqu’en 1945, et sa prise de pouvoir était voulue, et préparée méthodiquement. Lorsque Reynaud appelle Pétain au gouvernement en mai 1940, ce dernier sait que son heure arrive. Alors qu’il était ministre dans le cabinet Doumergue en 1934, le voilà vice-président du conseil en 1940. Habilement il se met en retrait et laisse Reynaud s’affaiblir tout seul. Il observe. À la mi juin il sort du bois, met Reynaud en minorité en regroupant autour de lui les membres du gouvernement partisans de l’armistice. En conséquence il se voit proposer de diriger le gouvernement. A la grande surprise du président de la république, il a déjà sur lui la liste de ses ministres, preuve qu’il avait préparé son coup. En effet à l’époque la passation de pouvoir prenait habituellement des semaines.

Son objectif est de mettre en place en France un régime proche de celui de Franco. Il doit donc créer un choc dans le pays qui lui permettra de prendre le pouvoir sans coup férir, en passant pour le sauveur.

17 juin 1940, le blitzkrieg politique de Pétain

À 12h20, quelques heures seulement après la démission de son prédécesseur, Pétain prend la parole sur les ondes. Pétain va vite, très vite. Son objectif est de ne laisser aucune possibilité de réagir à ses opposants. Les députés ne se sont pas réunis pour lui accorder leur confiance, il n’a pas été investi et n’a donc théoriquement aucun pouvoir puisque le gouvernement sortant est sensé gérer les affaires courantes. Et pourtant, il prend la parole et annonce avoir pris contact avec l’ennemi, et annonce aux Français qu’il faut cesser le combat, alors qu’aucune discussion sur l’armistice n’a débuté.

Plus d’un million d’hommes se rendront suite au message de Pétain

À la suite de ce discours, plus d’un million de soldats français vont se rendre avec leur matériel aux Allemands. La majorité des prisonniers français sont ainsi capturé après, et à cause du discours de Pétain. Ces hommes ont passé 5 ans dans les camps de prisonniers allemands, loin de leurs familles, et sont rentrés en 1945 épuisés, avec le poids moral de la défaite sur les épaules, et ont retrouvé leur maison parfois occupée, leur femme s’étant remariée.

Profiter du chaos et rendre la défaite inéluctable pour apparaitre comme le sauveur

Des millions de civils ont fui l’avancée allemande

Au moment du discours la situation française est critique. L’armée retraite en bon ordre vers le sud, infligeant des pertes aux Allemands mais perd chaque jour davantage de terrain. Militairement la situation ne peut pas être rétablie dans l’immédiat. Les 2 seules possibilités sont l’armistice ou l’évacuation de l’armée, de la flotte, de l’aviation, et d’un maximum d’hommes et d’usines vers l’Algérie pour poursuivre la lutte. De plus des millions de Français sont sur les routes de l’exode, dans une panique générale. Les autorités françaises sont prêtes à embarquer à Bordeaux pour rejoindre Alger. Afin d’empêcher cette évacuation, Pétain ment au Président de la République, en lui affirmant que les Allemands ont été arrêtés sur la Loire. Il ment sciemment, en effet il a besoin de garder les symboles du pouvoir sous la main, afin d’avoir la légitimité du pouvoir.

Le message de Pétain assassine donc l’armée française et plonge plus d’un million de familles dans la détresse en envoyant l’homme de la maison dans les prisons allemandes. La situation n’est plus critique, elle est devenue désespérée, Pétain peut donc endosser son costume de sauveur désintéressé. Ce coup est magistral, puisque aujourd’hui encore c’est cet argument qui est donné par ses défenseurs. Il a déclaré faire don de sa personne, en réalité il donne surtout beaucoup aux Allemands, à savoir l’armée française. Son but est de s’emparer du pouvoir avec un objectif d’ambition personnelle, et il faut mettre la France à genoux et la priver de contre-pouvoirs pour la soumettre facilement.

Le choix de l’ambition

Pétain veut le pouvoir, pour gouverner seul

Le 17 juin 1940 l’objectif de Pétain était donc de prendre le pouvoir et de mettre en place un régime autoritaire et personnel en France, à l’image de l’Espagne. Il a pour cela besoin de créer un tremblement de terre qui renverse la république. Son discours était totalement réfléchi et les mots pesé, et ses objectifs étaient clairs, des objectifs politiques, personnels, d’ambition, et cela coute que coute, et tant pis pour la France et les Français.

Pour Pétain la défaite apparait comme une magnifique opportunité. La victoire, ou la poursuite du combat depuis l’Afrique du Nord ne lui aurait rien apporté, puisque le régime aurait survécu et il aurait du composer avec les institutions, la Chambre, le Sénat, le Président de la République, la constitution, les lois, les contre-pouvoirs. Au contraire la défaite lui apporte le pouvoir suprême, puisqu’elle lui permet de balayer la Troisième République et d’instaurer un pouvoir personnel, de congédier les assemblées, emprisonner le président et les opposants, et de gouverner par décret.

L’armistice fait disparaitre la France de la carte

Avec l’armistice, la France disparait de la carte

Un des arguments principaux des défenseurs de Pétain est qu’il fallait négocier l’armistice avant qu’il ne soit trop tard, mais trop tard pour quoi ? En effet fin juin 40 la France est militairement battue en métropole. Les autres nations que l’Allemagne a attaquées ont toutes été occupées, il n’y a donc pas beaucoup d’espoir d’avoir une négociation équitable avec Hitler. L’armistice est un diktat humiliant, la France disparait dans les faits de la carte. La « zone libre » est un sursis provisoire, et c’est écrit noir sur blanc à la fin de la convention d’armistice : « L’armistice peut être dénoncé à tout moment par l’Allemagne ». Les Allemands ne se gêneront pas pour le faire en novembre 1942 lorsqu’ils ont envahi la zone sud et tenté de s’emparer de la flotte de guerre à Toulon.

Que sauve t’on lorsqu’on livre plus d’un million de soldats et leur matériel à l’ennemi avant le début des pourparlers ? Que l’on perd toute capacité en artillerie, blindés, aviation ? Que l’on doit demander l’autorisation aux allemands lorsqu’un avion français décolle de « zone libre » ? Que la flotte de guerre est neutralisée ? Que l’on donne l’ordre à l’administration de travailler avec l’occupant ? Ni le traité de Francfort en 1871, ni celui de Versailles en 1919 n’ont remis en question l’existence du vaincu, qui était certes pénalisé mais qui gardait son indépendance politique et le contrôle de son territoire redessiné.

Au contraire les conditions d’armistice remettent clairement en question l’existence même de la France. Rien n’a été sauvé. Pétain et sa clique gagnent un semblant de pouvoir en trahissant leur armée et en assassinant leur pays.

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