Les bombardements nucléaires sur le Japon étaient ils nécessaires ?

1920px-Atomic_bombing_of_JapanPlus de 70 ans se sont écoulés depuis les bombardements nucléaires sur les villes japonaises de Hiroshima et de Nagasaki. Ces bombardements ont été un acte particulièrement marquant pour l’Humanité, qui depuis s’est interdit de réutiliser cette arme d’apocalypse. Il est communément pensé que ces bombardements étaient un mal nécessaire, pour éviter l’hécatombe qu’aurait été une invasion terrestre du Japon par les alliés. Cette version officielle américaine, construite après les bombardements ne tient pourtant pas la route. Retour sur les vraies raisons des bombardements atomiques.

Une arme nouvelle

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L’expression d’arme atomique naît en 1914, inventée par Herbert George Wells dans son roman de science fiction « la Destruction libératrice ». Cette idée qui est totalement farfelue à l’époque de sa création, intéresse toutes les grandes puissances militaires durant l’entre-deux-guerre. Chacun de ces pays se lance dans la course et mobilise ses scientifiques pour donner corps à ce concept d’explosion atomique qui est alors devenu admis comme étant possible. La Grande Guerre a en effet été l’occasion d’un développement technologique important et rapide. Ce bond technique et scientifique a fait reculer les frontières du réel et de l’imaginable. Les états-majors attendent beaucoup des capacités de destruction de cette nouvelle arme, mais sont dans l’ignorance totale quant à ses effets, positifs comme négatifs, et à son mode d’utilisation.

Le mythe d’une défense jusqu’au-boutiste

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L’argument premier de l’utilisation de l’arme atomique s’est appuyé sur les pertes américaines de l’invasion de l’archipel, estimées à aux moins 300.000 morts. Ce chiffre a été calculé à partir de l’extrapolation des pertes de la bataille d’Okinawa où les japonais ont mené une défense désespérée allant jusqu’au suicide collectif massif de militaires et de civils. Une crainte apparaissait que le Japon défendrait son territoire national avec une férocité maximale, sans crainte de la mort. Mais cette approche ne tenait sur rien de concret. En effet, la population était lasse de la guerre, et l’armée était en Chine où elle était embourbée. Les troupes qui défendaient les îles où on lieu des combats féroces étaient des troupes d’élite de la marine qui avaient préparé le terrain et qui y avaient été éliminées. L’archipel nippon ne disposait donc plus de ces troupes expérimentées pour se défendre. Seuls des résidus de la marine impériale et des conscrits sous-équipés et sous-entraînés subsistaient et auraient pu opposer une maigre résistance à un débarquement américain, sur le modèle des inefficaces volkssturm allemands.

Un Japon aux abois

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Le Japon de l’été 1945 était déjà vaincu. La stratégie américaine avait été excellente, et avait mis l’empire nippon à terre. Le soutien aux Chinois fixait l’armée japonaise dans un bourbier inexpugnable, puisque la Chine disposait de réserves humaines innombrables et d’une grande profondeur géographique, lui permettant de supporter des défaites sans crainte d’être anéantie. La guerre sous-marine contre les tankers japonnais a permis aux Américains d’assécher les réservoirs de leurs ennemis, qui perdaient ainsi la mobilité mécanique qui est la clé des guerres modernes. Le Japon devait en effet importer tout son pétrole. Les rudes combats de 1942-43 ont détruit une partie importante de la flotte impériale, notamment des portes-avions qui étaient les bâtiments essentiels pour la guerre du Pacifique. Les restes de la marine japonaise se retrouvaient sur la défensive, sans capacité de contre-attaque sérieuse. Le coup de grâce fut la campagne de bombardements massifs permis par la conquête des îles Mariannes au début de l’été 1944. Des aéroports y furent aménagés pour accueillir des centaines de bombardiers lourds qui commencèrent à matraquer les villes du Japon à partir de novembre 1944. Cette opération de destruction systématique coûta la vie à plusieurs centaines de milliers de Japonais (entre 250,000 et 900,000 selon les estimations), dont une part importante de civils.

De bonnes raisons de capituler

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La principale erreur américaine a été d’amener l’URSS dans la partie. Les plans définis par les alliés lors des conférences inter-alliées prévoyaient en effet que les Soviétiques se reportent en Extrême-orient après la capitulation allemande. L’attaque soviétique a permis de donner à Mao Zedong la Mandchourie, donc une base arrière solide en vue de la poursuite de la guerre civile chinoise, et d’installer un régime communiste en Corée du nord. La crainte d’une invasion soviétique était plus forte pour le Japon que celle d’une invasion américaine. Le pouvoir japonais étaient en effet profondément anti-communiste. Dans les premiers jours de juillet 1945, des émissaires sont donc envoyés par l’Empereur pour négocier la paix. Militairement vaincu, avec une population souhaitant la fin de la guerre (comme l’indiquaient les enquêtes réalisées par les services secrets nippons) et sous la menace rouge, le temps jouait clairement contre le Japon. Les négociations achoppèrent sur un point, la destitution de l’Empereur. Les Japonais acceptaient le principe d’une capitulation mais voulaient garder leur chef d’état qui avait pour eux un statut de demi-dieu.

 

Truman obligé d’utiliser la bombe

Il est possible que le blocage américain quant au maintien de l’Empereur n’ait eu pour seul objectif que de poursuivre la guerre et d’empêcher ainsi une fin des hostilités trop rapide. Le projet Manhattan avait mobilisé des moyens financiers et humains considérables (une centaine de milliers de personnes et l’équivalent de 25 milliards de $ d’aujourd’hui). La guerre touchait à sa fin et les caisses de l’état fédéral étant à sec, le nouveau président américain Truman savait qu’on lui demanderait des comptes pour les dépenses de son prédécesseur Roosevelt. La non utilisation de cette nouvelle arme, qui était prête et qui avait mobilisé tellement de moyens pour être produite aurait immanquablement déclenché un scandale aux États-Unis, d’autant plus que seules quatre bombes avaient été produites. Le coût par bombe était donc démesuré. Ne pas utiliser la bombe c’était prendre le risque de devoir couper les crédits sous la pression populaire, et ainsi de devoir mettre un terme au développement d’une arme nouvelle qui n’en était encore qu’à ses balbutiements, et donc de potentiellement prendre du retard sur les autres puissances. En outre, les militaires étaient impatients de connaître les vraies capacités de la nouvelle arme. Un test avait bien été réalisé dans le désert, mais rien ne vaut une utilisation en situation réelle pour connaître les vrais effets, les avantages et les difficultés de cette bombe atomique. Deux modèles différents aux noms évocateurs avaient d’ailleurs été produits dans ce but de tester le matériel : une petite (Little Boy), et une grosse (Fat Man). Le président Truman se retrouvait donc dans une situation intenable. Sans légitimité électorale puisqu’il n’était que vice-président lors de l’élection, mais avec un mandat presque entier à exercer, il ne pouvait risquer un scandale politique et une rupture avec les militaires. Il fallait donc utiliser la bombe, principalement pour des raisons de politique intérieure, pour prouver que l’argent avait été bien utilisé, et qu’il fallait continuer d’en dépenser pour la suprématie de l’Amérique.

 

justifier l’inacceptable

1024px-AtomicEffects-HiroshimaLes conséquences terrifiantes des bombardements atomiques, notamment la radioactivité qui persistait après la capitulation japonaise, déclenchèrent la panique chez les autorités américaines qui imposèrent un black-out total sur la situation à Hiroshima et Nagasaki. Lorsqu’un reporter réussit à réaliser une enquête expliquant que des civils continuaient à y mourir plusieurs mois après la fin de la guerre, l’administration américaine sortit de son chapeau la théorie de l’attaque préventive pour éviter une hécatombe. Cette théorie avait l’avantage d’utiliser l’argument d’épargner la vie de nombreux soldats américains (argument sensible dans une démocratie), mais aussi celle de plus d’un million de civils japonais, afin que le scénario du mal nécessaire soit réellement considérable comme gagnant pour tout le monde. Cette version officielle tardive a été imposée par les autorités américaines, et est aujourd’hui encore largement acceptée par l’opinion publique dans le monde. Ce n’est pas le moindre des exploits d’avoir su ainsi faire accepter ce qui s’apparente à un crime contre l’Humanité, comme ayant été une nécessité pour sauver des vies.

 

 

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